Missing parts, The Sound of Silence était une collaboration de Hélène le Chatelier avec Calvin Pang. Cette exposition, qui s’est tenue à Gillman Barracks, explorait les thèmes de la mémoire et de la résilience au travers d'œuvres utilisant essentiellement le papier comme support.
Une exposition thérapeutique invitant à la réflexion sur qui nous sommes
Nous sommes le produit de nos expériences passées, voire de celles de nos familles, qui survivent, consciemment ou inconsciemment, dans nos mémoires imparfaites. Certains souvenirs pénibles nous hantent et nous devons parfois les exprimer pour en alléger la souffrance et vivre avec. C'est ce que l'art permet quand les formuler par des mots est trop douloureux.
Le papier, largement utilisé dans cette exposition, présente plusieurs analogies avec l'être humain et la mémoire : il est malléable, absorbant, à la fois fragile et résistant. Dans cette exposition, le papier est utilisé de diverses façons : papier servant de support à des poèmes ; papier écrit perforé, sorte de dentelle qui peut être façonnée, figurant les lacunes de notre mémoire ou les souvenirs douloureux que nous préférons cacher; confettis de papier issus de ces perforations, évoquant les lambeaux de mémoire avec lesquels on reconstitue des souvenirs; papier protégeant des branches tombées suite à un orage, comme des plâtres permettant la réparation de membres cassés (cf. la photo en tète d’article) ; papier découpé en forme de feuilles sur lesquelles des écritures mystérieuses, illisibles, se transforment en électrocardiogrammes, montrant les liens entre le corps et la mémoire.
L’installation « The Sound of Silence », qui est figurée ci-après et qui donne son nom à l’exposition, en est un bon exemple. La partie haute de l’’installation, créée par Hélène peut représenter un esprit humain dont l’intérieur, compliqué, plein de contradiction, est protégé, caché, par une tulle qui lui donne une apparence agréable. La partie basse, créée par Calvin, est un amas de feuilles recouvertes de divers graphismes, qui fait immédiatement penser au poème de Jacque Prévert « Les feuilles mortes ». Ceci étant, le niveau d’’abstraction des œuvres laisse aux visiteurs une large marge d’interprétation.
Les œuvres sont le fruit des mémoires des artistes, mais aussi de tiers qui leur ont fait part de souvenirs douloureux ou de moments de résilience à travers des messages qu’ils étaient invités à envoyer ou lors d’ateliers auxquels ils étaient invités à participer. Les personnes qui ont ainsi consenti à exposer leurs vulnérabilités ont parfois partagé des témoignages bouleversants. La création de certaines œuvres, comme celles à partir des confettis, a demandé beaucoup de temps, à l’image de celui nécessaire pour se reconstruire après un moment difficile.
L’exposition Missing parts, The Sound of Silence faisait partie de Hearth, le programme de mécénat lancé par Art Outreach pour offrir une plateforme d'expression et un incubateur visant à explorer de nouvelles directions artistiques aux plasticiens basés sur le sol singapourien.
Deux artistes partageant des préoccupations communes
A 5 ans déjà, Hélène a exprimé le souhait d’être peintre. Elle est restée fidèle à son rêve en suivant les cours de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Appliques et des Métiers d’Art, dont elle obtient le diplôme (fresques et décor mural) en 1996. Dans la foulée, elle s’investit dans la peinture et en moins d’un an présente sa première exposition. Mais cette expérience, ou elle a dû plonger dans les profondeurs de sa personnalité, l’effraie, et, durant 20 ans, elle va faire du design dans divers domaines (meubles, décoration, vaisselle), utilisant les matières les plus diverses. Cela explique en partie l’éclectisme de son expression artistique, allant de l’écriture, à la peinture, à la sculpture, et aux installations, en passant par la photographie et les montages vidéo.
Elle est arrivée à Singapour il y a 9 ans, suivant son mari, qui apprécie comme elle beaucoup ce pays. Mais son attirance pour l’Asie n’est pas nouvelle. D’une part, après ses études elle s’est intéressée à la technique de l’encre de Chine, qui présente des similarités avec la peinture à fresque et qui reste son mode d’expression de prédilection. D’autre part, son métier de designer l’a amenée à voyager souvent en Asie, où se trouvent beaucoup des fabricants des produits sur lesquels elle travaillait. A son arrivée à Singapour, elle a décidé de reprendre l’exploration qu’elle avait brusquement arrêtée à la suite de sa première exposition de peinture 20 ans plus tôt, et Missing parts, The Sound of Silence se situe dans cette quête de l’identité et des rapports entre le corps et la mémoire.
Calvin Pang, avec qui Hélène a collaboré pour cette exposition, est à la fois artiste et art-thérapeute dans une unité de soins palliatifs à Singapour. Ayant perdu ses parents étant jeune, il est très attaché au thème de l’impermanence et à la couleur blanche (couleur du deuil dans la tradition asiatique, mais aussi référence au début de la vie avec le lait maternel). Il crée donc des œuvres éphémères où le blanc domine, ce qui transparait dans l’exposition.